‘L’European Communication Monitor 2018’ : morceaux choisis…

Qu’est-ce que l’ECM 2018 ?

 L’European Public Relations Education and Research Association (EUPRERA) et l’European Association of Communication Directors (EACD) ont récemment publié la version 2018, qui constitue la douzième édition annuelle de l’European Communication Monitor (ECM). Cette étude universitaire est menée par un certain nombre de professeurs, notamment des universités de Leipzig, Amsterdam et Leeds, et elle est basée sur un questionnaire adressé à 3.096 experts en communication provenant de 48 pays européens. L’ECM consiste en 39 questions ciblées portant sur 10 sujets différents. Que faut-il en retenir pour les experts en communication en Belgique ? Voici quelques morceaux choisis.

Dix thèmes

Sur toutes les équipes de communication examinées, un cinquième seulement est catalogué comme “excellent”. Il est frappant de constater que 80 % des équipes de communication fournissent un travail moyen ou médiocre. Les “excellentes” équipes de communication sont caractérisées par quatre dimensions dans lesquelles elles excellent : leur influence effective sur les clients ou sur le management de haut niveau, la planification stratégique pour le client ou pour le CEO, les succès effectivement constatés et les compétences intrinsèques.

 

Parlons à présent des salaires en vigueur en Europe. 13 % des experts en communication gagnent moins de 30.000 € par an, 15 % plus de 150.000 € par an. Les autres se situent entre ces deux chiffres, le groupe le plus important (29,8 %) étant constitué par les experts qui gagnent entre 60.000 € et 100.000 €. Le salaire dépend surtout du niveau hiérarchique et du nombre d’années d’expérience. La Belgique se situe en dessous de la moyenne européenne : le groupe le plus nombreux est celui de la tranche qui va de 30.000 € à 60.000 € (39,7 %).

 

Venons-en ensuite à l’environnement de travail. Ce qui frappe, c’est que la satisfaction au travail des experts en communication dépend avant tout des responsabilités professionnelles et de la confiance qu’on leur accorde dans leurs activités professionnelles. Si ces deux conditions ne sont pas suffisamment remplies dans la culture de l’entreprise, l’équipe de communication ressentira son environnement de travail comme moins attractif. Il est également intéressant de noter le rôle du responsable de la communication : un leadership qui laisse un espace à la formation, au mentorat et à l’encouragement de l’innovation/de la créativité conduit à des scores supérieurs en termes d’environnement de travail agréable. Cela fait longtemps déjà qu’il en est ainsi de n’importe quelle équipe dans n’importe quelle organisation (il suffit pour s’en persuader de consulter la littérature sur le management), mais c’est encore plus vrai des équipes en charge de la communication.

 

L’enquête a également porté sur la satisfaction à exercer ses fonctions et sur la volonté de changer d’employeur dans le monde de la communication. En Europe, 73,5 % des experts en communication se disent satisfaits de leur travail, 11% portent un jugement neutre et 15,4 % sont franchement insatisfaits. Les employés des agences de communication sont généralement davantage satisfaits de leur emploi que ceux qui travaillent pour des associations sans but lucratif ou des entreprises cotées en bourse. Et qu’en est-il des experts belges en communication ? 74,5 % sont satisfaits, 9,7 % ne savent pas trop et 15,7 % sont insatisfaits : ces chiffres sont relativement proches de la moyenne européenne.

 

Qu’est-ce qui cause le stress chez les experts en communication ? Il faut peut-être d’abord préciser dans quelle mesure ce stress est présent. 39 % se sentent tendus ou stressés au travail, 29,2 % ne peuvent se prononcer, et 31,9 % sont relax. Pour la Belgique, 26,3 % des professionnels de la communication se sentent très stressés (à savoir qu’ils sont proches du burn-out), alors que 73,7 % affirment ne pas avoir de problèmes de stress ou n’avoir que des problèmes maîtrisables en la matière. Les 5 causes du stress les plus citées sont, dans l’ordre : une charge de travail trop importante, l’obligation d’une disponibilité constante, les faibles perspectives de carrière, la gestion de la surinformation et les longues heures de travail. À cela s’ajoutent encore 12 autres causes de stress évoquées dans le monde de la communication. Bigre…!
 

La confiance dans l’organisation ou dans l’entreprise pour laquelle on travaille est généralement considérée comme un élément essentiel pour exceller dans la communication. En Europe, 67 % des experts en communication affirment qu’ils ont confiance dans les capacités de leur entreprise ou de l’organisation. Ici également, il est frappant de constater que les collaborateurs des agences de communication affichent les scores les plus élevés en termes de confiance. Les plus mauvais résultats sont obtenus par les pouvoirs publics. S’agissant de ces derniers, c’est le fait de ne pas tenir compte de l’opinion de l’expert en communication qui est la principale cause de mécontentement évoquée. Oups…

 

Qu’en est-il du leadership et de la culture de l’entreprise ? Ici aussi, l’on pourrait faire bien des commentaires. Ce qui est frappant, dans chaque cas, c’est que 42,1% des « patrons » des experts en communication (les clients d’une agence ou le responsable de la BU dans une entreprise) ne sont pas capables d’estimer la valeur ajoutée des relations publiques ou de la communication. C’est en tout cas ce que prétendent les experts en communication eux-mêmes. Il s’agit d’un chiffre élevé et, même s’il ne s’agit que d’une perception, elle ne facilite pas le travail d’une équipe de communication. En matière d’inclusion et de diversité, la situation est meilleure : 76,5% des participants à l’enquête estiment que ces valeurs sont bel et bien intégrées dans la culture de l’entreprise. En comparaison avec d’autres professions, le monde de la communication semble avoir pris une petite longueur d’avance.

 

L’association des actions de communication à la stratégie d’entreprise et l’adaptation à la révolution numérique et aux médias sociaux peuvent représenter un véritable casse-tête pour de nombreuses organisations. La création d’un lien de confiance avec les groupes cibles visés (le client, l’électeur, le sympathisant) est citée en premier lieu (par 39,5 % des personnes ayant répondu) comme l’objectif stratégique le plus important en matière de communication, suivie de près (avec 37,7 %) par le souci d’associer de manière optimale la stratégie de l’entreprise avec les initiatives de communication. Il est frappant de constater également que la prise en compte du développement durable constituait encore en 2008 une préoccupation stratégique absolue (avec 41,3 %) alors qu’elle figure aujourd’hui à la dernière place de la petite liste des objectifs stratégiques (avec 18,2 %). L’attention toujours plus grande portée à la stratégie des données (Intelligence artificielle) et les efforts redoublés sur le terrain des réseaux sociaux expliqueraient-ils cette évolution ?

 

Une des tâches essentielles d’une équipe de communication demeure la sélection et la diffusion des informations auprès du management, des clients et de l’ensemble de l’écosystème. 64,7% des experts en communication abondent dans ce sens. Pour 68% des personnes ayant participé à l’enquête, il s’agit même pour une équipe de communication du moyen par excellence d’inspirer le respect pour la profession de la communication auprès des différents groupes cibles. Les activités les plus fréquemment évoquées concernent la surveillance des médias (‘que disent-ils de nous’ dans la presse, à la télévision et surtout sur les médias sociaux ?) avec 74,6 %. Les points presse suivent avec 59,6 %. À noter : 56 % des professionnels de la communication sous-traitent leur suivi des médias.

 

Les fake news constituent-elles une notion typiquement contemporaine (‘zeitgeist’) dans le monde des médias et y consacrons-nous trop de temps ? 55,8 % des professionnels de la communication affirment que dans leur pays, les fake news constituent un important sujet de conversation (52,3 % en Belgique). En revanche, à peine 24,4 % des experts en communication affirment que ce phénomène joue un rôle important dans leur travail quotidien. Mais, de manière quelque peu contradictoire, la création d’un lien de confiance avec le public trône à la première place des objectifs de la communication. C’est en Russie, en Serbie, en Slovénie et en Pologne que les fake news ont l’impact le plus important sur la réputation des entreprises, du monde politique et des organisations. En Belgique, 68,9 % des personnes interrogées ont répondu que leur équipe de communication n’avait jamais dû faire face directement à des fake news, mais le phénomène semble bel et bien présent.

 

Pour conclure

 

L’ECM 2018 contient encore bien d’autres informations pertinentes et l’on pourrait en tirer encore bien d’autres conclusions. Et chacun pourra les interpréter à sa manière. Si vous voulez améliorer le fonctionnement de votre équipe de communication, vous y trouverez certainement bien des informations utiles. Une lecture obligatoire, par conséquent, pour tous les experts en communication. Et certainement pas que pour eux : les chefs d’entreprise, les responsables politiques et les dirigeants d’associations sans but lucratif pourraient y apprendre comment mobiliser de manière bien plus efficace les compétences de leurs experts en communication. Qu’ils lisent donc également l’ECM 2018, ou au moins en tout cas la présente synthèse…

 

(Kris Poté est vice-président communication & marketing chez Capgemini et président de C²)

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